Frères et sœurs, il y a des rencontres, des événements qui viennent nous bousculer, raviver notre désir de vivre, nous illuminer de l’intérieur dans notre vie de foi.

C’est un peu une telle expérience que j’ai vécue il y a peu de temps au cours d’une rencontre avec une personne qui, en toute simplicité, me partageait le bouleversement qu’avait pu provoquer chez lui la rencontre d’une communauté chrétienne, et, à travers elle, la rencontre du Christ ; et combien, par cette rencontre, tout son être en avait été renouvelé, au point de se faire baptiser et de s’engager dans une nouvelle manière de vivre, bien éloignée des errances qu’il avait pu vivre quelques années auparavant.

En méditant cet Evangile de la Transfiguration, je faisais le lien avec cette rencontre que je viens d’évoquer.  Les apôtres Pierre, Jacques et Jean font l’expérience d’une rencontre du Christ sous un nouveau jour. Ce Jésus, que Pierre ne voulait pas voir être conduit à la mort, se révèle comme l’ami de Moïse et d’Elie, ces deux grands personnages de l’Ancien Testament qui ont œuvré au salut du peuple juif, et qui lui ont annoncé la venue du Messie, le Sauveur de leur peuple.

Mais il y a encore plus dans ce passage d’Evangile ; car ce Jésus leur est révélé comme le Fils bien-aimé du Père, qu’il faut écouter et qui est déjà dans la gloire de ce Père, dans la gloire de Dieu, comme le manifestera plus tard la résurrection.  

Expérience mystérieuse que cette Transfiguration que les trois apôtres ne comprirent pleinement qu’après la résurrection , mais qui entraîna chez eux un attachement encore plus profond au Christ, et qui leur fit mettre leurs pas dans les siens, au cœur de leur vie de tous les jours.

La tentation, chez ces trois apôtres, était de vouloir rester sur ce mont Thabor, en construisant des tentes ; mais en les invitant à redescendre, Jésus venait leur rappeler que c’était au milieu des hommes qu’ils avaient  vivre et témoigner de lui.

Si, frères et sœurs, la Transfiguration n’est pas un événement donné à vivre par tout le monde, l’Eglise, en nous donnant cette page d’Evangile, nous invite à croire que le Seigneur veut aussi se révéler de façon nouvelle à chacun et chacune d’entre nous, un peu comme je vous le partageai au début de cette homélie. 

Le Carême n’est-il pas plus particulièrement ce temps où le Seigneur nous invite à nous convertir pour mieux l’accueillir sans un nouveau jour ?

Le passage du Livre de la Genèse, lu dans la première lecture, nous faisait entendre l’appel de Dieu à Abraham : « Quitte ton pays (…) et va vers le pays que je te montrerai. (…). Je ferai de toi une grande nation, (…) je te bénirai et tu deviendra une bénédiction ». N’y a-t-il pas là pour nous une invitation à quitter ce à quoi nous sommes attachés pour mieux nous ouvrir à cette nouveauté du don de Dieu que le Seigneur veut faire dans nos vies. Il y a des attitudes, des habitudes, des schémas de pensée qui nous empêchent de faire grandir Dieu dans nos vies, et qu’il nous faut quitter si nous voulons accueillir davantage son Amour et nous sentir renouvelés par lui.

A nous aussi, Jésus nous promet de nous bénir comme il a béni Abraham, comme il a voulu lui faire du bien, ainsi qu’à Pierre, Jacques et Jean.

Mais plus encore, il veut nous faire devenir une bénédiction pour les autres, une occasion pour donner aux autres l’envie de rencontrer Dieu et de goûter à son Amour.

Comment ne pas le souhaiter en ce dimanche de Carême où nous partageons la joie des trois apôtres de s’être laissés toucher par la gloire du Christ, et que nous-même nous allons vivre au plus profond de nous-mêmes en recevant le Corps du Christ.

Sans doute ne faudra-t-il pas oublier ce que St Paul nous disait dans la deuxième lecture : « Prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Evangile » ;

mais le Carême nous y conduira en son temps. En attendant, réjouissons-nous de la grâce de la Transfiguration, et demandons au Seigneur de nous le faire sentir dans notre vie dès aujourd’hui pour devenir une bénédiction pour nos frères.

Fr. Jean-Pierre Larsonneur